TOUS UNIS CONTRE LA HAINE
Au nom de l’Association des étudiants et diplômés polonais, nous adressons nos plus sincères condoléances à la famille et aux proches du président Adamowicz ainsi qu’aux résidents de la ville de Gdańsk. CE MEURTRE A TRANSPERCE NOS CŒURS. STOP A LA HAINE ! STOP A LA VIOLENCE !
Nous, étudiants et diplômés, citoyens polonais et européens dénonçons toutes les formes d'incitation à la violence, à la haine et à la division.
LA HAINE, de Wislawa Szymborska
Voyez combien elle reste efficace,
combien elle se porte bien en notre siècle,
la haine.
Avec quel naturel elle prend les plus hauts obstacles.
Combien il lui est facile : sauter, saisir.
Elle n'est pas comme les autres sentiments.
Leur aînée, et pourtant leur cadette.
Elle sait engendrer toute seule
ce qu'il lui faut pour vivre.
Si elle dort, ce n'est pas d'un sommeil éternel.
L'insomnie ne lui ôte pas ses forces, au contraire.
Peu lui chaut, religion ou pas,
pourvu qu'on soit dans les starting blocks.
Peu lui chaut, patrie ou pas,
pourvu qu'on soit dans la course.
La justice n'est pas mal, au départ.
Ensuite, elle court toute seule.
La haine. La haine.
Le visage tordu
par l'amoureuse extase.
Pouah ! les autres sentiments chétifs
et avachis.
Depuis quand la fraternité
attire-t-elle les foules?
A-t-on vu la miséricorde arriver la première?
Le scrupule soulève combien de prosélytes?
Elle seule sait soulever, on ne la lui fait pas.
Douée, réceptive, extrêmement bosseuse.
Nul besoin d'aligner les chants qu'elle composa.
Toutes ces pages d'histoire numérotées par elle.
Tous les tapis humains qu'elle a su déployer
sur combien de places et de stades.
Inutile de se leurrer
elle sait aussi faire du beau.
Splendides, ses lueurs d'incendie dans la nuit noire.
Admirables, les déflagrations au petit matin rose.
Ses ruines possèdent une majesté indéniable,
et la colonne robuste qui s'y dresse
n'est pas dénuée d'un humour gaillard.
En grande virtuose, elle joue du contraste
entre le vacarme et le silence,
entre le vermeil du sang et la blancheur de la neige.
Mais s'il est un motif dont elle ne se lasse jamais,
c'est bien celui du bourreau propre sur lui
penché sur la victime flétrie.
Toujours prête à entreprendre un nouvel ouvrage.
S'il faut attendre, elle attendra.
On la dit aveugle. Elle?
Avec ces yeux de sniper?
Intrépide, elle regarde l'avenir en face.
Elle seule.
"La haine", page 115. "De la mort sans exagérer" de Wislawa Szymborska,
traduit du polonais par Piotr Kaminski. Éd. Poésie Fayard.
Photo: Martyna M. Lemańczyk
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